Sur la route oecuménique
de Saint-Flour 2008



Il est des gîtes d'étape ou des communautés villageoises dont les
pèlerins de Saint-Gilles parlent d'une année sur l'autre comme de lieux
particulièrement agréables et propices à la détente après 25-30 km de
marche. Lezan est de ces lieux là... Ainsi, depuis les premiers jours de
notre randonnée-pèlerinage 2008, commencée le dimanche 10 août à 7h du
matin à Saint-Flour, les «anciens» nous vantaient les charmes de l'étape
à Lezan. «Et pui, on y rencontrerait des protestants», nous
promettaient-ils...

Des protestants, nous en avons effectivement rencontrés, à Lezan et
ailleurs. Ainsi, à Saint-Germain-de-Calberte, nous avons été
formidablement accueillis par la petite communauté réformée de ce
village cévenol. A notre arrivée, nous trouvions jus de fruits et
brioches disposés à notre intention dans la petite salle de culte
(toujours utilisée en hiver) dans la maison mise à notre disposition.
Lors de leur repérage au printemps, Paul et Daniel, nos deux guides sur
cette route de Saint-Flour 2008, n'avaient pourtant rien demandé d'autre
que l'hospitalité pour une nuit. Pourtant, en quelques minutes
d'échanges confiants et amicaux, Maurice, pasteur retraité de
Saint-Germain-de-Calberte  propose à Chrsitian, notre prêtre, de
célébrer la Sainte Cène ensemble. C'est ce que nous avons fait, assis
serrés sur de vieux bancs de bois.

En quelques instants de préparation, nous décidons d'alterner les
lectures et les chants. Maurice propose de lire l'épître aux Corinthiens
sur l'instauration de la Cène (I Co 11) puis l'appel du Christ à l'Unité
de son Corps (Jn 16). Christian propose de lire les lectures de ce
dimanche et reprend une très belle prière eucharistique, déjà lue lors
d'une précédente eucharistie entre nous. Nous chantons un « Laudate
omnes gentes », venant de Taizé et adapté à notre louange, et nous
terminons avec l'hymne fameuse de Haendel «A toi la gloire»... Au moment
de la prière universelle, nos intentions sont exprimées avec une telle
puissance d'intercession que nous en sommes les premiers bouleversés :
pour l'Unité des chrétiens, pour la communauté réformée de St-Germain et
son pasteur (une femme), pour la paix en Géorgie... Comme si le fait de
faire monter à l'unisson nos suppliques vers Dieu leur donnait plus
d'épaisseur. A Saint-Germain, nous n'avions rien prévu ; nous avons tout
reçu. Gratuitement !

A Lezan, c'était différent... Nous savions que chaque année depuis des
lustres, l'accueil était formidable ! Et en effet, il le fut.
Aujourd'hui encore, en nous remémorant les temps forts de ce pèlerinage
2008, l'eucharistie célébrée par Christian dans la cour ensoleillée du
foyer protestant arrive en tout premier. Comment dire cette joie de nous
retrouver entre catholiques et protestants sans bien savoir qui était
qui, tout simplement pour écouter la même Parole (en l'occurrence, la
parabole des ouvrier de la dernière heure, Mt 20), pour communier à la
même table, puis savourer ensemble cette délicieuse paella préparée avec
tant d'amour par Henri ? Comment dire cette douceur de la nuit tombant
peu à peu sur nos visages heureux bien que fatigués ? Comment dire tant
de reconnaissance pour tout cela ?...

En quittant nos hôtes de Lezan, nous savions que l'an prochain, à la
même époque, d'autres pèlerins de Saint-Gilles seraient accueillis avec
la même générosité, la même qualité de partage et de joie contagieuse.
Telle la promesse faite à Abraham sous le chêne de Mambré, nous savions
en quittant la communauté oecuménique de Lezan que, l'été prochain, elle
serait là pour accueillir les pèlerins de retour...

Il y eut encore d'autres temps forts oecuméniques sur notre route.
Notamment une rencontre d'une heure avec Soeur Monique, cistercienne au
monastère de la Paix-Dieu, à Cabanoule, au dessus d'Anduze. Là dans cet
ancien mas niché au milieu des chênes verts, vivent depuis 1979 une
douzaine de religieuses dans une perspective oecuménique. Sr Monique
nous explique avec passion cette vocation qui peut prendre tour à tour
la forme de longues marches oecuméniques jusqu'à Abeillères où vivent
des soeurs protestantes ; l'accueil de réunions de pasteurs du Gard et
de l'Hérault ; l'organisation de rencontres diocésaines... Autant de
signes que les craintes d'hier de prosélytisme sont désormais dissipées.

Enfin, l'évocation des temps forts ne serait pas tout à fait complète
sans la visite du Musée du Désert l'après-midi même où nous nous
trouvions à Cabanoule. Derrière l'anecdotique (cache des camisards ;
Bibles cachées dans les chignons ; chaire camouflée en tonneau...) nous
comprenons aisément l'extraordinaire guérison des mémoires qui a pu se
vivre depuis trois siècles, dans cette région si blessée des Cévennes.
Un chemin de guérison et de réconciliation dont il n'est plus possible
de douter après avoir marché sur la route de Saint-Flour 2008.

Claire LESEGRETAIN